Le père de famille et l'homme discret
On connaît peu de choses sur la femme de Mâlik. Il s'est marié jeune, à une esclave. On rapporte que l'Imâm Mâlik avait beaucoup d'estime pour son épouse. Mâlik n'a jamais épousé une autre femme, bien qu'il ait les moyens financiers. Il eut d'elle trois fils Yahyâ يحيى, Muhammad محمد et Hammâd حماد et une fille, Fatima, appelée Oum Al-Banîn أم البنين.
Yahyâ , l'aîné, rapportera des traditions de son père, mais Ibn Hazm le considéra comme peu fiable. Ibn Khibân ابن خبان le citera dans son ouvrage des hommes sûrs, mais Ibn Khibân avait des critères peu exigeants dans ses jugements. Yahyâ rapportera le Al-Mouwattâ ' de son père, dont la version sera enseigné au Yémen selon Ibn Ch'abân ابن شعبان. Un élève de Mâlik rapportera que Yahyâ entrait et sortait, alors que Mâlik enseignait et ne s'asseyait pas pour écouter l'enseignement de son père. Mâlik dira un jour à propos de Yahyâ : « Ce qui rend ma peine moins lourde c'est que je n'ai jamais vu un fils prendre la place de son père dans le savoir, la science ne s'hérite pas ». Yahyâ aura un fils du nom de Muhammad qui ira en Egypte et rapportera le hâdîth.
Son deuxième fils Muhammad assistait au cours de son père, mais Ibn Hazm le classera aussi parmi les peu fiables. Muhammad aura un fils Ahmad qui assistera au cours de son grand père et rapportera de lui. Quant à Hammâd nous ne savons rien sur lui.
Fatima était celle qui s'intéressait le plus aux sciences de son père, elle connaissait par cour l'ouvrage de son père, Al-Mouwattâ '. On l'appellait aussi Oum Abihâ أم أبها. Lorsque Mâlik donnait ses cours chez lui, Fatima écoutait derrière la porte et signalait chaque erreur de lecture que faisaient les élèves en frappant à la porte.
Mâlik offrait à sa famille les meilleurs mets et ils mangeaient de la viande tous les jours. Mâlik consacrait à cela deux dirams par jour. Mâlik aimait particulièrement les fruits et surtout les bananes. Il faut se rappeler que c'étaient des denrées rares à cette époque, à Médine. Il dira à propos des bananes : « c'est un fruit que n'a touché ni une mouche ni la main de l'homme, je le crois fruit du paradis ». Il avait une grande affection et traitait sa famille avec beaucoup d'amour ; il disait : « Ainsi, tu satisfais ton Seigneur, tu augmentes ta richesse et tu prolonges ta vie ». Il ne connaissait pas la colère, ni la violence. Il n'a jamais forcé ses enfants à suivre son exemple, ni ne les a obligé à suivre un chemin qu'il aurait décidé. Mâlik prenait exemple sur le prophète, sur lui salut et bénédictions divines, dans son comportement avec sa famille : servitude, affection et protection. Une des soeurs de Mâlik vivra avec lui toute sa vie. Nulle personne ne se plaignit un jour de l'Imam.
Mâlik avait prit pour demeure, en location, l'ancienne maison d' 'Abdallah ibn Mas'oûd عبد الله بن مسعود. Il répétait qu'il aimait imaginer ce noble compagnon vivant dans cette maison, et lui marchant dans ses traces. Sa maison était richement meublée et très confortable et il avait fait inscrire sur la porte : Macha Allah ما شاء الله. Quand on lui posa la question, il répondait que cela se rapporte au verset 39 de la sourate 18 : « En entrant dans ton jardin, que ne dis-tu : " Telle est la volonté (et la grâce) d'Allah ! Il n'y a de puissance que par Allah ". Si tu me vois moins pourvu que toi en biens et en enfants " , et que la maison est le paradis sur terre. Il n'a jamais possédé une maison. L'imam a déménagé à quatre kilomètres de Médine dans une région appelé Al 'Aqîq العقيق. Plusieurs récits rapportent que quand il accueillait des invités chez lui, il mettait ses plus beaux habits, le meilleur parfum. Il leur offrait les meilleurs mets dans un salon très richement meublé. On critiquera beaucoup Mâlik pour cette opulence et toutes ces richesses, qui contrastent avec le dénouement et la simplicité du prophète sur lui salut et bénédictions divines et de ses compagnons. Il répondra qu'Allah aime voir sur ses serviteurs les traces de sa grâce. Il dépensait de son argent pour les étudiants sans ressources et les invitait chez lui une fois par semaine pour un repas. Mâlik recevait beaucoup de dons de la part du calife et de nombreuses personnes. C'était de très grandes sommes d'argent, qui mettaient Mâlik non seulement à l'abri du besoin, mais lui permettait de vivre dans une grande aisance. Des hommes généreux donnaient aussi de nombreux cadeaux et de grandes sommes à l'Imâm. Son ami, le grand savant d'Egypte al Layth , lui envoyait de très riches cadeaux et des habits de grandes valeurs, ainsi que 100 dinards annuel. Il aura avec lui une très riche et grande correspondance, qui malheureusement a en grande partie disparue. Il investissait sa fortune dans le commerce, ce qui était à cette époque, avec l'agrandissement de l'empire, une source de grands profits. On rapporte qu'il aurait eu un commerce de tissus à Médine ce qui n'est pas incompatible avec l'enseignement. Les Médinois ont toujours eu des employer pour tenir leurs commerce, la tradition se perpituent jusqu'à nos jours. Mâlik aimait les beaux habits richement décorés. Sa couleur préférée était le blanc. Mâlik en avait une grande garde robe, ce qui lui permettait de changer de tenues plusieurs fois. Il lui arrivait même de changer de tenues le même jour. Certaines de ses tenues valaient jusqu'à 500 dinars, une somme exorbitante pour l'époque. On rapporte aussi que le jour de sa mort il laissa une quantité énorme de chaussures. Mâlik se distinguait par l'élégance de ses habits et du soin qu'il donnait à son apparence. Il aimait répéter qu'Allah aimait voir sur ses créatures les bienfaits qu'il leur dispensait. Il pensait aussi que les savants avaient une place à part dans la communauté, et qu'ils devaient donner l'exemple. Une bonne apparence physique est un gage de respect. Quand on lui reprochait ce manque de modestie dans sa tenue vestimentaire il répondait : « La modestie est la crainte de Dieu et la religion, non dans les habits ». Mâlik portait une bague en argent à sa main gauche qui était orné d'une pierre noire avec une inscription « Allah est mon seul juge et mon seul soutien ». Abâ Mis'ab ابا مصعب a rapporté que Mâlik n'a pas assisté aux réunions des gens pendant plus de 25 années, on lui en demanda la cause, et il répondit : « J'ai peur de voir une chose blâmable et d'être obligé de la changer ». Mâlik demanda un jour à Moutarfa Ibn 'Abd Allah مطرف بن عبد الله : « Que pensent les gens de moi ?». Moutarfa répondit : « Tes amis font ton éloge et tes ennemis te critiquent ». Mâlik dit alors : « les gens sont ainsi, mais cherchons refuge auprès d'Allah, de ceux qui suivent ce que disent toutes les langues ».
Mâlik était très discret dans ses adorations. Il posait un drap devant lui pour que son front ne porte pas la trace de la prosternation, à cette époque on faisait la prière sur le sol nu. Il disait : « je crains que les gens pensent que je suis un homme des longues et nombreuses prosternations, je n'en suis pas un ». Pourtant Al Moughira rapporte : « Je suis sorti un soir de chez moi alors que toute la ville dormait d'un sommeil de plomb et je me rendis chez Mâlik ibn Anas. Je l'ai trouvé en train d'accomplir sa prière. Lorsqu'il finit de réciter la sourate al Fatiha , il commença la sourate At-takathour (La course aux richesses) et lorsqu'il arriva au verset: «Et vous rendrez compte alors de vos jouissances éphémères.» Il se mit à pleurer longuement. Il pleurait de plus belle tout en répétant le verset. Son attitude m'absorba à tel point que j'ai oublié la raison qui m'avait mené hors de chez moi. Je suis demeuré accaparé pendant qu'il continuait à réciter le verset et à pleurer jusqu'aux premières lueurs de l'aube, Mâlik accomplit alors une prosternation et je me rendis chez moi. Une fois à la maison, je fis mes ablutions et me dirigeai vers la mosquée pour la prière de l'aube. Mâlik était là entouré de gens qui venaient écouter son enseignement. Lorsque le soleil se leva, je regardai Mâlik au visage splendide toujours plein de lumière »
Ach-Châfi`î rapporte qu'un jour, il se rendit à la maison de Mâlik et qu'il vit devant de nombreux chevaux et mulets. Il dira à Mâlik son admiration pour de si belles montures, qui lui répondit : « ils sont tous à toi ». Ach-Châfi`î le remercia et lui demanda d'en garder au moins une, pour la monter, car Mâlik ne se déplaçait qu'à pied. Mâlik répondit : « J'aurais honte devant Dieu, de fouler une terre qui a recueilli le corps du prophète, avec les sabots d'une bête que je monte ». Mâlik ne montait jamais sur une bête, en étant à Médine. Je vous laisse imaginer la stature de cette homme de science et la hauteur de son respect pour notre bien-aimé prophète, sur lui salut et bénédictions, pour que durant 90 années de sa vie, il ne se déplaça qu'à pied à Médine.
Mâlik refusait d'aller au marché pour faire ses courses ; il refusait que les gens le voient dans sa vie privée, pour ne pas confondre le savant et la personne commune, non par fierté, mais par respect pour son rôle de savant. Ainsi personne ne la vu dans son intimité, que vêtu comme pour ses cours avec une 'immama sur la tête. Il ne se présentait jamais devant personne tête découverte. Aussi quand Mâlik mettait du kohl sur les yeux par obligation, il ne quittait pas sa maison. On possède plusieurs descriptions de l'apparence physique de l'imam Mâlik. On le décrit comme étant grand de taille, de forte corpulence, blond avec une calvitie. Ses yeux étaient bleus et grands. Son nez était caractéristique des arabes : droit et légèrement redressé à l'avant. Il possédait une barbe très blanche et touffue ainsi qu'une moustache très touffue, qu'il ne coupait pas. Il torsadait les deux bouts en prenant exemple sur 'Omar Ibn Al Khattab . Quand Mâlik mettait un turban, il passait le reste sous son menton et entre les deux épaules.
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