Le dix-septième jour : la pauvreté ou faqr فقر
Je me refugie auprès d'Allah le protecteur et le sauveur contre le mal et notre égarement. Au Nom d'Allah le Tout Miséricordieux le Très Miséricordieux, et que le salut et la paix d'Allah soient sur le dernier des messagers, mon bien aimé Muhammad. Louange à Allah, nous recourons à Lui et nous Lui demandons de nous guider, nous pardonner, et nous préserver de nos mauvaises actions : «Celui qu'Allah guide, c'est lui le bien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne trouveras alors pour lui aucun allié pour le mettre sur la bonne voie». Le très Haut dit dans la sourate 35 verset 15 :
Ô hommes, vous êtes les indigents ayant besoin d'Allah, et c'est Allah,
Lui qui se dispense de tout et Il est Le Digne de louange.
يَا أَيُّهَا النَّاسُ أَنْتُمُ الْفُقَرَاءُ إِلَى اللَّهِ وَاللَّهُ هُوَ الْغَنِيُّ الْحَمِيدُ
La signification immédiate du terme de pauvreté fait référence à un manque de ressources matérielles. La pauvreté revêt aussi un sens plus large en exprimant un manque et un besoin, c'est de cette pauvreté là dont nous parlons. La pauvreté exprime un manque qui nécessite une aide urgente, une intervention d'un tiers. Le verset coranique indique que c'est l'homme qui est pauvre et qui a besoin d'Allah qui se dispense de tout. Le verset accentue le déséquilibre entre l'homme pauvre par essence et Dieu qui possède tout. Le pauvre d'un certain degré est incapable de se sortir de la situation dans laquelle il est. Si l'homme a été créé faible comme nous le rappelle le Coran, ses besoins sont immenses. L'être humain comme l'a conçu Allah est un véritable gouffre de besoins: besoins matériels, physiques, affectifs, psychologiques, spirituels, etc. L'homme cherche à combler ses besoins, le pauvre d'Allah cherche le dépouillement pour avoir besoin de l'aide que lui procure son Créateur. Le pauvre se dépouille volontairement pour remplacer les besoins par la présence divine. Mais au-delà de tous ces besoins, la personne humaine est aussi un être de désir. Le désir est un des moteurs de l'homme, qui agit souvent plus comme un frein que comme un moyen pour atteindre Allah. Le désir n'est pas un mal en soi mais c'est la direction qu'il nous donne qui est soit un mal, soit un bien. Le désir rend aveugle, sourd et muet s'il est l'expression d'un être bestial, dont les seuls organes sont un sexe et un ventre. Découle de là une recherche absolue de bien matériel et une misère affective. La misère affective est la plus dure à vivre, il suffit de regarder autour de soi. L'homme possède en lui-même l'aspiration à une croissance illimitée, l'ouverture à une vie toujours plus pleine. Le désir de connaître son Créateur et d'aller à Sa rencontre est l'expression d'un vrai besoin de s'élever de l'état bestial vers la condition humaine. La pauvreté est d'abord une attitude spirituelle, c'est le souci de ne pas se laisser prendre le coeur par la recherche de biens matériels ou la satisfaction des désirs. C'est être exempt de la vision de la propriété et du désir de posséder. La pauvreté c'est se libérer des liens du désir de posséder et chercher à être possédé par le divin. Cette possession se traduit par la recherche du pardon.
Obtenir le pardon de son Créateur devient la quête du pauvre d'Allah. Le pardon de son Créateur devient son objet de désir, l'homme ne peut se le procurer lui-même, ou se l'accaparer. Il ne peut que le recevoir comme un don gratuit, à l'égard duquel il doit se faire tout petit. La pauvreté se traduit par un détachement affectif non seulement à l'égard des biens matériels, mais aussi à l'égard de tout ce qui n'est pas Allah, l'objet ultime du désir qui constitue le noyau de l'être même de l'homme. Elle est donc détachement à l'égard du statut social, des honneurs, de l'appréciation qu'on reçoit des autres, de l'image qu'on s'est faite de soi-même, etc. On n'arrive pas à la pauvreté du coeur, à ce détachement affectif dont on vient de parler, sans une pauvreté effective, c'est-à-dire sans un détachement matériel concret. Il est concrètement impossible à un être humain dans la condition présente d'être profondément attentif à son besoin d'Allah s'il est constamment tiraillé par la préoccupation d'amasser et de protéger des richesses matérielles ou tout simplement à la recherche de sa subsistance. Le confort matériel est une entrave à l'épanouissement du cour et de l'esprit. Un détachement affectif et un certain dépouillement matériel concret à l'égard des biens matériels, ainsi qu'une sobriété dans la satisfaction de tous ses besoins sont donc nécessaires pour le pauvre d'Allah. On doit se limiter au strict nécessaire et se demander si cela n'est pas trop. Se dépouiller quand on ne possède rien n'est pas chose facile non plus, on ne peut abandonner ce qu'on n'a pas. Le vrai danger est la nature de l'homme qui cherche à acquérir, être riche ou misérable ne change pas la nature de l'homme. Le prophète sur lui salut et bénédictions vivait dans un dépouillement total choisi. En effet il avait choisi sa condition et se limitait à peu de besoins. Les hadiths sont innombrables à ce sujet. Si la pauvreté est une valeur positive en elle-même quand elle est choisie, c'est bien parce qu'elle remplace le manque matériel par la richesse de la présence du Créateur. Cette pauvreté est un des symboles de sainteté, l'homme se débarrasse des besoins et tentations terrestres et le coeur se consacre à son Créateur. Elle est aussi une base de la compassion puisqu'elle nous place par notre renoncement au niveau des pauvres économiquement. Après la prise de conscience de notre grand besoin d'Allah et de notre dépouillement volontaire pour nous laisser habiller et habiter par sa présence, nous sommes aptes à la compassion. Nous sommes à même de comprendre le dépouillement des miséreux. Ressentir ce qu'ils vivent au quotidien renforce notre compassion et nous rapproche d'eux et d'Allah. Cette pauvreté remplit le coeur de Béatitude, le renoncement matériel est remplacé par l'amour du prochain et le besoin d'Allah. C'est vivre les mains et le coeur ouverts, et considérer que ce que nous avons et possédons n'est rien d'autre que le signe de la miséricorde d'Allah. Ce qui était avant un symbole de richesse ou de plaisir devient la preuve de l'amour d'Allah pour nous. Nous ne possédons rien, nous sommes entretenus par la miséricorde divine. Considérer que tout ce que nous possédons vient de Dieu change notre regard sur nos richesses et nous rend généreux.
Comment au quotidien vivre cette pauvreté ? Tout d'abord évaluer vos besoins pour pouvoir les réduire. Dès que vous les aurez évalués, vous verrez que la moitié vous suffira nettement pour vivre et je ne dis pas survivre. Pratiquez plus la modestie dans votre vie quotidienne, c'est limiter ses besoins et en être conscient. Débarrasser vous des objets de valeurs et des objets auxquels vous tenez, ils sont un frein à votre libération. Enfin revenez à une nourriture simple et peu riche, l'excès alimentaire est la base de la vie animale qui a peur du manque. En un mot soyez simple en tout et limiter vous à peu et donner le reste.
Dix-septième jour, se dépouiller pour être le pauvre d'Allah, c'est le jeûne de toute richesse matérielle. Je Prie le très Miséricordieux de combler notre misère par Sa miséricorde, de nous couvrir de Sa grâce, de laver nos péchés et de nous pardonner et d'incliner notre coeur vers le pardon de nos semblables. Amin et le salut et les bénédictions sur notre bien aimé Muhammad.
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